Je voudrais aujourd’hui commencer une série d’articles sur une céréale peu connue, l’EPEAUTRE.
Ses nombreuses vertus nutritives et curatives décrites par Hildegarde de Bingen au Moyen Age ont été redécouvertes en Allemagne au début du XXè siècle par le Docteur Gottfried Hertzka.
Pour une approche précise, je ferai six articles, en voici la liste ci-dessous :
- L’histoire de l’épeautre et ses différentes sortes
- Composition et actions du grand épeautre (1)
- Composition et actions du grand épeautre (2)
- Composition et actions du grand épeautre (3)
- Dix manières d’utiliser le grand épeautre au quotidien
- Exemples de guérisons grâce au grand épeautre
L’Épeautre
Un peu d’histoire
L’épeautre apparaît au 5e millénaire av. JC., et peut-être déjà au 6e millénaire, au sud-est de la Caspienne. Dès 4700 av. JC., on le retrouve en Moldavie, puis vers 3750 av. JC. en Bulgarie. Il s’agit au début d’impuretés dans des cultures d’engrain ou d’amidonnier, puis de cultures pures d’épeautre.
Même s’il est impossible de savoir qui de l’épeautre ou du froment précéda l’autre dans la préhistoire, on sait que l’un et l’autre ne sont pas des blés « sauvages » ou « primitif ». Ils sont nés tous les deux dans des cultures.
Il est cité dans la Bible : Isaïe 28, 24-26 « Le laboureur passe-t-il tout son temps à labourer pour semer, à défoncer et herser son coin de terre ? Après avoir aplani la surface, ne jette-t-il pas la nigelle, ne répand-il pas le cumin ? Puis il met le blé, le millet, l’orge … et l’épeautre en bordure ».
Ezéchiel 4, 9 « Prends du froment, de l’orge, des fèves, des lentilles, du millet et de l’épeautre, mets-les dans un vase, et fais-en du pain autant de jours que tu seras couché sur le côté ; tu en mangeras pendant trois cent quatre- vingt dix jours. »
A l’Age du Bronze et du Fer, il est bien établi dans toute l’Europe centrale et du Nord.
Les Romains ont adopté tardivement (301 après JC.) le nom de spelta, d’origine germanique, et plus précisément de Pannonie selon Saint-Jérôme. Mais très tôt, ce nom semble avoir désigné à la fois le grand épeautre (T. aestivum subsp. spelta) et le petit épeautre (T. monococcum). L’extension de sens du nom allemand Spelz et de ses équivalents dans les autres langues à tous les blés vêtus a été entretenue par le fait que Spelzen désigne les » enveloppes » (glumes et glumelles) des blés. En grec, on pense que le zeopyron, cité tardivement par Galien, était également l’épeautre.
Au Moyen-âge, la majeure partie des terres du nord de la France était ensemencée par trois céréales ; l’épeautre, le seigle et l’orge. En 850 à Reims (F), la « spelta » des documents d’époque rédigés en latin, tient la première place dans le rang des céréales.
L’historienne du pain au Moyen-Age, Françoise Desportes, écrit que « passe le XIème siècle, plus aucun document ne mentionne l’épeautre là où il avait été abondant ». Un autre historien écrit que dès le Haut Moyen-Age (vers l’an 1000), l’épeautre est devenu une « céréale régionale » par contraste avec l’orge et le froment et dans une moindre mesure l’avoine et le seigle.
C’est au XIIème siècle que Sainte Hildegarde de Bingen va mettre l’épeautre en tête des autres céréales.
« Le spelta est un excellent grain, de nature chaude, gros et plein de force, et plus doux que les autres grains : à celui qui le mange, il donne une chair de qualité, et fournit du sang de qualité. Il donne un esprit joyeux et met de l’allégresse dans l’esprit de l’homme. Sous quelque forme qu’on le mange, soit sous forme de pain, soit dans d’autres préparations, il est bon et agréable. »
L’épeautre est longtemps resté préféré dans certaines régions européennes pour son goût, mais il demandait une opération de plus que le blé tendre, le décorticage.
Avant la première grande guerre, il était cultivé sur 280 000 hectares en Allemagne. Cependant, suite à la disparition progressive des moulins artisanaux permettant le décorticage et à cause de son faible rendement face aux autres céréales, l’épeautre est peu à peu tombé en désuétude.
En effet, contrairement au blé, à l’avoine, à l’orge et au maïs qui ont bénéficié de travaux d’amélioration génétique permettant un rendement très important, l’épeautre n’a pas été modifié, et son rendement en agriculture biologique est de 3400 kg/ha.
En outre, La balle compte pour 20 à 30% de la récolte, 25% en moyenne. La densité au boisseau du grand épeautre est donc de 14 à 18 kg plutôt que de 27 comme dans le cas du blé. Le rendement en paille est de l’ordre de 250 à 300 ballots l’hectare (COG, 1992).
Les différentes sortes d’épeautre
Si l’épeautre appartient au même genre botanique que le blé ou froment (Triticum), il fait partie du groupe des blés dits « vêtus », dans lequel on distingue le petit épeautre ou engrain (Triticum monococcum à 14 chromosomes), le grand épeautre (Triticum spelta à 42 chromosomes) et l’épeautre de Tartarie ou amidonnier (Triticum dicoccum à 28 chromosomes).
Le terme « vêtus » signifie que les grains sont recouverts d’une balle qui adhère au grain lors du battage. Il faut donc effectuer un décorticage à la meule, qui entraîne une perte de l’ordre de 30 % par rapport au poids brut. De plus le rachis (ou « tige » de l´épi) est très cassant. On récolte donc des épillets.
- Le petit épeautre, Triticum monococcum, Poaceae, est l’un des premiers blés domestiqués, issu de l’engrain sauvage (Triticum boeticum).
C’est une culture traditionnelle des zones de montagne du Proche Orient : il est adapté aux sols chauds, secs, pauvres, pierreux et sableux des zones de montagne.
En France, il était surtout cultivé dans les Alpes de Haute-Provence et il est devenu depuis peu une sentinelle Slow Food. Il serait plus ancien et plus rustique que le grand épeautre avec des rendements encore plus faibles ; les épillets ne contiennent en effet qu’un seul grain d’où son nom « engrain », Einkorn en allemand.
Les plants ont une paille courte, un épi court et des grains petits. Il contient très peu de gluten et a des valeurs nutritives moindres que le grand épeautre. Il n’est pas hybridable. L’engrain est réputé pour être très savoureux. Il se cuit comme le riz et devient alors tendre.
- L’amidonnier, Triticum duococcum, Poaceae, né d’un croisement spontané entre deux graminées sauvages, comporte lui 2 grains par épillet. Il a une tige pleine et des feuilles pubescentes.
Son épi est serré et large. Il est adapté aux climats semi-arides et supporte bien la sécheresse.
Cultivé en Égypte, il semble avoir été le blé de référence des Romains, connu sous le nom de far ou ador. Son importance est révélée par le mot farina, qui désignait initialement la farine d’amidonnier.
Le latin far survit également dans le mot farro, qui désigne en italien l’épeautre. L’amidonnier a été importé aux USA par des migrants germano-russes et a été cultivé au tournant des XIXe et XXe siècle sur de très grandes surfaces.
- Le grand épeautre, Triticum Aestivum L.em.Thell ssp.spelta,Poaceae, auquel Hildegarde prête d’immenses vertus, supporte des climats plus froids et humides. Il s’agit du grand épeautre non hybridé (variété oberkulmer ou le grand rouquin). Il doit porter le label « Hertzka ». Le grand épeautre trouvé en magasin biologique et n’étant pas spécifié de ce label et de ces 2 variétés est en fait hybridé avec du blé.
Il était cultivé de façon importante en Allemagne et le reste aujourd’hui, mais dans des proportions moindres. Il l’est aussi dans le nord de la France, en Belgique, en Suisse…
Voici pour notre première partie.
Dans les articles suivant nous nous intéresserons au grand épeautre, pour en découvrir la composition et les vertus.
que dire? Magnifique article très complet, très clair !!
J’aimerais d’autres recettes.
J’ai acheté des flocons d’épeautre, une boisson au soja cacaotée, j’ai mélangé ces deux ingrédients et j’ai même rajouté des graines de lin ; c’était excellent : avt de boire cette boisson, il est préférable d’attendre 2 min afin que les flocons et graines de lin s’hydratent…
Bien à toi, Noémie !
annick
Merci ! Je vais faire d’autres articles sur des recettes dans les prochaines semaines. Pour ta préparation, tu peux la faire réchauffer un petit peu (sans qu’elle bout) , pour qu’elle soit plus facile à digérer pour ton estomac.
A bientôt !
donc les petits épeautres sont pas bons pour la santé? il faut utiliser plutôt les grands épeautres? merci et a bientôt
le petit épeautre est une bonne céréale, mais c’est le grand épeautre non hybridé qui est thérapeutique