Nous sommes aujourd’hui face à l’explosion du nombre de cas d’ostéoporose. Est-ce une évolution normale de notre société ? Ne sommes nous pas en droit de nous demander si notre hygiène de vie et notre alimentation modernes ne sont pas à remettre en cause ?
Voici deux hypothèses de réponse à cette épidémie, donnée l’une par un médecin (Pr Mark Hegsted ) et l’autre par un spécialiste en nutrition et biologie du vieillissement (Thierry Souccar). Je les trouve très intéressantes et logiques.
1ère hypothèse sur l’ostéoporose : Pr Hegsted
- Si l’on consomme trop de calcium pendant trop longtemps, le corps perd sa capacité à contrôler le métabolisme du calcium. Normalement, l’organisme utilise la forme active de la vitamine D, le calcitriol pour régler le volume de ce qu’il absorbe à partir des aliments et ce qu’il élimine.
- Lorsque l’alimentation apporte peu de calcium, le calcitriol aide à le retenir et réduit son élimination.
A l’inverse, lorsqu’il y a beaucoup de calcium dans l’alimentation le corps n’en retient qu’une petite partie et élimine l’excès. Avec le temps l’excès de calcium peut perturber définitivement ce mécanisme ; c’est alors qu’on perd la capacité à utiliser efficacement le calcium alimentaire et à le conserver dans les os quand on est âgé.
L’idée que l’organisme, lorsqu’il est soumis à un abus, peut perdre le contrôle d’un mécanisme au réglage très délicat est un phénomène bien connu en biologie, et qui donne du poids à l’hypothèse de Mark Hegsted.
2ème hypothèse sur l’ostéoporose : Thierry Souccar
La consommation tout au long de la vie durant de quantités massives de calcium laitier est une anomalie dans l’histoire de l’évolution, comme le souligne des centaines de chercheurs en nutrition et en paléoanthropologie.
C’est aussi une insulte aux équilibres métaboliques et biologiques pour lesquels nous sommes génétiquement faits. Cet afflux de calcium laitier épuise en quelques décennies la capacité de l’os à se renouveler. Voilà comment une vie de laitages peut conduire à l’ostéoporose.
Dans l’intimité de l’os
Contrairement à ce que l’on peut penser spontanément, l’os est un organe dynamique, en régénération permanente : du vieil os est périodiquement détruit et éliminé tandis que du nouveau matériau osseux est fabriqué sur le même site. Ce processus, qu’on appelle remodelage, fait que le squelette d’un adulte est complètement régénéré tous les 10 ans. On ne sait pas très bien pourquoi de l’os ancien est ainsi remplacé. On pense que le remodelage sert à réparer les dégâts liés à l’usure et aux stress supportés par l’os et à prévenir le vieillissement. Le but du remodelage est donc essentiellement d’empêcher qu’un matériau osseux trop vieux s’accumule dans le squelette.
L’élimination du tissu osseux est une tâche qui revient à des cellules très spécialisées, les ostéoclastes. La formation d’os neuf est du ressort d’une autre catégorie de cellules, les ostéoblastes.
L’élimination du vieux tissu osseux et la formation du nouveau ne sont pas des processus distincts. Dans l’os, ostéoclastes et ostéoblastes appartiennent à une structure commune temporaire, qu’on appelle l’unité multicellulaire basique ou BMU. Chaque année nous faisons fonctionner 3 à 4 millions de BMU. Le BMU se déplace vers une région de l’os qui doit être remplacée. Selon la nature de l’os il creuse un tunnel ou une tranchée à cet endroit grâce aux ostéoclastes qui adhèrent au tissu osseux et l’éliminent par acidification et digestion. Puis le BMU avance, libérant le site pour les ostéoblastes situés à l’arrière qui entrent dans la cavité et la meublent en sécrétant des protéines qui constituent la matrice osseuse sur laquelle le calcium se dépose. Mais il y a un hic : les deux tiers des ostéoblastes qui s’assemblent à un site de remodelage osseux meurent. Le reste est incorporé à la surface de l’os sous forme de cellules ou de protéines. Les ostéoclastes meurent aussi et sont éliminés pas des cellules du système immunitaire. Cette mort cellulaire programmée est caractéristique des tissus qui se régénèrent. Lorsqu’on fait les comptes, on s’aperçoit qu’un ostéoblaste vit 3 mois en moyenne, un ostéoclaste 2 semaines. Le BMU, lui, a une durée de vie de 6 à 9 mois.
Cette différence dans les durées de vie a une traduction logique : pour que le BMU fasse correctement son travail de remodelage, il doit être approvisionné en permanence par de nouveaux ostéoclastes et surtout par de nouveaux ostéoblastes.
L’ostéoporose, une maladie du remodelage osseux
Le remodelage osseux doit être finalement régulé tout au long de la vie, au risque de conduire à l’ostéoporose.
Il y a deux types d’ostéoporose : de type 1 qui survient après 50 ans et de type 2 qui survient plus tard. Les deux types sont liés à un dérèglement du processus de remodelage osseux.
Dans l’ostéoporose de la ménopause, le remodelage osseux est considérablement accéléré : ostéoblastes et ostéoclastes sont recrutés en quantité massive. Finalement s’installe un déséquilibre en faveur de la résorption osseuse.
Dans l’ostéoporose liée à l’âge, le remodelage osseux n’est pas augmenté mais il n’y a pas assez d’ostéoblastes pour former de l’os nouveau.
Mais d’où viennent les ostéoblastes ?
Ils sont « fabriqués » par des cellules souches de la moelle osseuse appelées MSC. Or la capacité de nos cellules MSC à engendrer des ostéoblastes est limitée. Avec l’âge, le nombre de MSC diminue tout comme diminue leur aptitude à engendrer des ostéoblastes. Le stock d’ostéoblastes finit donc par décliner.
Dans l’ostéoporose de type 1, le remodelage osseux est excessif. Des ostéoblastes doivent être remplacés en grande quantité à u rythme effréné. Pour cela les cellules MSC sont anormalement mises à contribution ce qui conduit probablement à leur vieillissement précoce, la diminution de leur population et de leur capacité de prolifération. Peu à peu, le nombre d’ostéoblastes auxquels les MSC donnent naissance devient insuffisant pour soutenir le rythme de la résorption osseuse.
Dans l’ostéoporose de type 2, les capacités des MSC sont aussi en cause. Cette maladie peut donc s’apparenter à une maladie des cellules souches, qui ne sont ni suffisamment nombreuses, ni suffisamment prolifératrices pour approvisionner l’os en ostéoblastes.
L’une des raisons pour lesquelles la production d’ostéoblastes décline avec l’âge est que leurs cellules mères peuvent aussi donner naissance à des cellules graisseuses, les adipocytes. Avec l’âge, les MSC donnent plus d’adipocytes et moins d’ostéoblastes.
Une stratégie pour préserver l’os : épargner les ostéoblastes
Contrairement à ce que l’on peut penser spontanément, la stratégie mise en place par l’évolution pour conserver des os en bonne santé ne consiste pas à stimuler pendant des décennies la production d’ostéoblastes.
La femme constitue le groupe le plus à risque de fragilité osseuse et il est instructif d’analyser chez elle la séquence des évènements. Tous les médecins savent que les hormones femelles préservent le capital osseux jusqu’à la ménopause, à la suite de quoi, leur chute ou leur disparition augmente le risque d’ostéoporose et de fractures.
Mais les mécanismes par lesquels les hormones préservent l’os étaient jusqu’à présent mal connus. Les voici : les hormones diminuent le remodelage osseux. Elles ralentissent littéralement la fabrication d’ostéoblastes et augmentent leur espérance de vie. Ceci peut paraître paradoxal, mais tout se passe comme si le corps cherchait à épargner ainsi les réserves d’ostéoblastes.
A la ménopause, les hormones chutent et cette absence stimule la fabrication d’ostéoblastes, via une sollicitation des MSC.
C’est donc en empêchant pendant des décennies les cellules mères de se renouveler trop vite que les hormones préservent la santé des os.
Ce qui se passe quand on consomme beaucoup de calcium laitier
Les laitages renferment des protéines qui stimulent la prolifération des ostéoblastes. Le calcium laitier lui-même semble activer le remodelage osseux, ce qui n’est pas observé avec d’autres formes de calcium.
Les laitages contiennent un autre facteur important de la prolifération des ostéoblastes, une substance appeléeIGF-1. L’IGF-1 est un moteur de la croissance et de la prolifération de toutes les cellules. Non seulement les laitages apportent de l’IGF-1, mais ils élèvent indirectement le taux d’IGF-1 dans le plasma. Or l’IGF-1 augmente fortement le remodelage osseux et stimule les ostéoblastes.
La plupart des laitages sont acidifiants. Les aliments acidifiants stimulent les ostéoclastes et la destruction du tissu osseux parce que le carbonate de calcium des os est utilisé par l’organisme pour « tamponner »l’excès d’acide. Mais en stimulant l’activité des ostéoclastes, les aliments acidifiants augmentent aussi secondairement celle des ostéoblastes par effet de couple qui lie mécaniquement la formation osseuse à sa résorption. Donc les aliments acidifiants favorisent le remodelage osseux.
Il apparaît clairement que les laitages sont les aliments les plus puissants pour stimuler la croissance osseuse ou activer le remodelage osseux. Consommés depuis le plus jeune âge, ils adressent aux cellules souches de l’enfant le signal de proliférer pour donner naissance à des ostéoblastes. Si la consommation de laitages se poursuit à l’âge adulte, les mêmes signaux ont les mêmes effets. Tout serait parfait si nos gènes étaient habitués à une telle stimulation. Or ils ne le sont pas.
En consommant de grandes quantités de laitages tout au long de la vie, on acquiert une densité osseuse élevée dans la première partie de l’existence, mais ce stress imposé aux ostéoblastes et aux MSC a un coût : l’épuisement avant l’heure de la population de MSC et de leur capacité à approvisionner l’os en ostéoblastes. Cet épuisement est amplifié par les effets de l’âge, et chez la femme, par la chute des hormones après la ménopause.
Voilà donc deux approches qui viennent nous interroger sur nos habitudes alimentaires et qui prennent le contre-pied de beaucoup d’idées reçues en particulier sur les soi-disant bienfaits des laitages.
Pour les personnes que cela intéressent, voici le livre dont ces hypothèses sont tirées, Lait, mensonges et propagande, Thierry Souccar
Et vous, souffrez-vous d’ostéoporose ? Avez-vous envie de trouver une solution pour diminuer ses effets…et même pour guérir ?
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